Lors de mon premier voyage à Tokyo, je fus surpris de rencontrer un burkinabé en me promenant dans Harajuku. Cette rencontre (qui me rappelle quelques années passées en Afrique) me donna l’envie d’en savoir un peu plus sur la communauté africaine implantée au Japon. Comment les africains arrivent-ils au Japon, par quelles filières ? Quels genres d’emplois occupent-ils ?

Ayant au fil des années noué des liens avec de nombreux nigérians, ghanéens, guinéens, je pense être en mesure de donner un avis sur la spécificité de cette population.

En théorie

D’après les chiffres officiels, les africains représentent la plus faible population d’étrangers à Tokyo; ils ne sont en effet que quelques milliers (officiellement 3000 sont enregistrés aux bureau de l’immigration) mais en estimant les clandestins, on peut penser qu’ils seraient environ 20 000.

La population est composée majoritairement d’hommes, relativement jeunes. Les deux nations les plus représentées sont le Ghana et le Nigeria (il y a en effet très peu d’africains francophones). La plupart des africains travailleraient dans l’enseignement, le négoce de vêtements, les entreprises d’importation ou encore la restauration.
















En pratique

Il ne semble pas y avoir de filières clandestines très structurées car les services d’immigrations japonais sont très stricts. La majorité des africains officiellement recensés sont pourvus de visas obtenus dans leur pays d’origine qu’ils « valident » en se mariant avec des japonaises pour les transformer en visas permanents.

Si l’on se promène dans Shibuya, Shinjuku ou encore Kichijoji, il n’est pas rare de rencontrer ces immigrés dans les magasins de vêtements. Dans le domaine de l’enseignement il n’y en a que peu car l’anglais ghanéen et nigérian n’étant pas un anglais standard, il n’est pas enseigné dans les écoles de langues, pourtant si nombreuses dans la ville.

La vérité est que la majorité des africains vivent d’activités illégales, souvent non déclarées et en rapport avec la mafia nigériane, qui contrôle (en échange de paiements réguliers à la mafia japonaise), l’industrie du monde de la nuit et celle du trafic de drogues dures dans certaines artères de la ville. On les rencontre fréquemment dans le quartier de Roppongi où ils rabattent les clients au profit des établissements de nuit, night clubs et strip shows notamment.












L’image de l’africain à Tokyo

Si la plupart des africains s’adonnent à de telles activités, c’est par manque d’autre choix car il faut avouer que l’image du « noir » au Japon reste très négative.

Bien que dans leur grand ensemble, ils maîtrisent la langue et soient assez bien intégrés au mode de vie nippon, ils sont exclus du monde du travail par les sociétés japonaises qui n’emploient pas d’africains, par crainte de travailler avec un étranger mais surtout parce que le japonais considèrent même aujourd’hui l’africain comme un être primaire et dépourvu de toute éducation. Pour un nombre important de nippons, un africain sent mauvais, est inculte, mal éduqué voire dangereux, d’où une la difficulté pour eux de trouver une emploi stable, « honnête ».















On dit souvent qu’on est le fruit de son environnement. L’africain à Tokyo ne possède pas hélas, les mêmes atouts que les autres communautés étrangères pour pouvoir s’intégrer ou en tout cas, améliorer son image. On peut mettre en cause l’ignorance et l’absence de volonté (voire de racisme) des japonais à essayer de mieux connaître ces peuples. Dommage car les différences font la force d’un peuple.