Le Masu, gobelet cubique en bois (le plus souvent fait en hinoki ou en sugi) est de nos jours un récipient utilisé pour servir le Nihonshu (Sake japonais). Or, son histoire est ancienne, retour sur cette dernière :


Le masu a jusqu’à aujourd’hui toujours été utilisé comme instrument de mesure. Il s’apparente sous une forme plus petite, au boisseau médiéval, récipient de forme cylindrique destiné à mesurer les matières sèches (grains et farines), utilisé en Europe jusqu’au XV siècle.











Son origine remonte au moyen age, les seigneurs féodaux l’utilisaient comme récipient pour calculer les contributions foncières. A cette époque, il en existait deux types, le Hensyômasu (返抄枡) et le Gegyômasu (下行枡). Le premier était utilisé pour percevoir les impôts, le deuxième, plus petit que le premier, était utilisé pour d’autres taxes.


On raconte que les seigneurs de Kôyasan (région montagneuse située dans la préfecture de Wakayama) trichaient en utilisant deux sortes de masu, dont l’un était surcalibré afin de contenir plus de riz, et donc d’augmenter d’autant la taxe.
















C’est Oda Nobunaga (gouverneur féodal du XVI siècle) qui a instauré la taille du masu officiel, le Jûgômasu (十合枡) qui était valide à Kyôto à cette époque. Par la suite, le gouvernement d'Edo a institué, en 1669, un masu officiel : le Shin-kyômasu .














Malgré tout et bien qu’il soit considéré comme un crime grave de fabriquer et de vendre des faux masu notamment pendant la période Edo, la fraude persista ça et là. Les Han (藩), unités administratives correspondant aux territoires des fiefs des gouverneurs féodaux, possédaient leur propre masu, le Hanmasu (藩枡) . Les Han, propriétaire du droit exécutif ont ainsi pendant de nombreuses décennies abusé de leur pouvoir dans le but de s’enrichir.


De nos jours, on peut voir le masu dans des festivals (祭り), lors de célébrations ou d’événements spéciaux ou dans certains restaurants huppés.


A l’instar des métiers itinérants présents en Europe tels que le porteur d’eau, le vitrier, le marchand de blocs de glace, le marchand de charbon qui ont au fil des siècles peu à peu disparu, la vente ambulante au Japon est encore présente, notamment celle du Tofu (豆腐).

Importé de Chine à l’époque Nara (奈良時代) le Tofu était autrefois remis aux croyants lors de leur passage au temple. Sa consommation s’est vulgarisée pendant la période Muromachi (室町時代). A cette époque, c’est à Kyoto que le Tofu était principalement vendu, étant le plus souvent fabriqué à Nara. Les transports étaient effectués à dos d’homme à l’aide d’un balancier.



















De nos jours, il n’existe pas réellement de mot pour caractériser la vente ambulante mais les japonais utilisent volontiers l’expression 引き売 (vente bradée) ou encore 路上売り(vente de rue)















Le conditionnement actuel ressemble sensiblement à celle de la période Edo (江戸時代) où déjà le tofu froid et le tofu grillé étaient séparés dans deux compartiments distincts.















L’attirail du vendeur se comose d’une charrette (リヤカー), de deux voire trois glacières (クーラーボックス) et d’une petite trompette (ラッパ) servant à attirer l’attention de la clientèle. Cet instrument est d’ailleurs le signe distinctif de la profession.




















Les vendeurs ont généralement entre 18 et 32 ans et sont en majorité des hommes (la traction de la charrette plutôt lourde ainsi que les nombreux kilomètres de marche demandent un effort physique certain). Ils ne sont pas des vendeurs à la sauvette, car rattachés à des magasins de Tofu ou à des entreprises d’intérim. Ils sont généralement employés à mi-temps (バイト), de quoi arrondir les fins de mois.















La plupart du temps, ces vendeurs ambulants se rencontrent dans la banlieue de Tokyo, notamment à l’est de la ville dans les arrondissements d’Edogawa (江戸川区), Katsushika (葛飾区) ou Adachi (足立区), là où la population est constituée en majorité de personnes âgées, près de résidences HLM (団地), aux abords des stations de métro et des écoles, ou encore dans des quartiers tels que Tsukiji (築地), où sont concentrés les principaux fournisseurs de Tofu de la ville. C’est là que se trouve d’ailleurs l’une des plus célèbres enseignes de Tofu Tokyoïte : Noguchiya (野口屋).

Ceux qui se sont déjà rendus à Tokyo l’ont constaté, on peut voir sur les chantiers des ouvriers du bâtiment portant de grands pantalons larges, les Tobi Pants (鳶パンツ).

L’origine de Tobi provient du mot Tobishoku (鳶職) qui désigne les ouvriers installant les échafaudages. Les ouvriers le portent généralement avec des chaussons en semelles de caoutchouc appelés Jikatabi (地下足袋).

Dans un premier temps, il fut au Japon d’abord utilisé par les militaires, notamment pour les expéditions en terrain montagneux et accidentés. De par sa forme, on peut affirmer que c’est un compromis entre le caleçon long traditionnel japonais appelé Suteteko (ステテコ), assez large jusqu’aux genoux, utilisé pendant la période Edo par les charpentiers et le knicker-bocker qui a une forme rétrécie au niveau des chevilles.
















Après la seconde guerre mondiale, les villes étant à reconstruire, les chantiers fleurissant de partout, les compagnies de construction définirent la forme actuelle de ces pantalons, beaucoup plus large au niveau des chevilles.

Cette transformation semblait logique, tout d’abord, pour des raisons de sécurité, le « tobi », par sa forme large au niveau des chevilles (ダボダボ) facilite la montée ainsi que les déplacements sur les échafaudages (足場). Ensuite, de par la « largeur de ses jambes », ce pantalon permet également de ne pas trop transpirer, le tissu ne collant pas à la peau pendant les éreintants travaux d’été. Plus qu’un simple habit, il traduit un fort sentiment d’appartenance à la communauté des ouvriers (ceux travaillant notamment en attitude) et on lui attribue des vertus divines (son port est sensé les protéger de chutes).



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Depuis, sous l’impulsion de marques comme Toraichi (虎壱), les pantalons Tobi sont devenus une mode et ils se portent souvent avec des bottes de type rangers.

Mon intérêt pour la géographie locale ainsi que,je dois bien l’avouer, la recherche d’un appartement à loyer modéré m’ont amené dans le quartier de Shibaura (芝浦) situé dans l’arrondissement de Minato (港区) non loin de la station de Shinagawa (品川).

En général, le prix des loyers est déterminé en fonction du positionnement du quartier par rapport au centre ville, de l’accès plus ou moins proche des stations de métro, des commodités offertes (commerces), mais aussi de sa réputation voire de sa renommée. En me rendant dans quelques unes des agences immobilières qui pullulent dans la capitale, j’ai été surpris de la relative «modération » des prix des loyers de ce quartier. En faisant quelques recherches et en discutant avec quelques amis qui travaillent dans l’immobilier, il est apparu que la raison principale est la présence de l’abattoir de Tokyo (食肉市場).















Construit à l’époque Edo, en 1867, le site n’a cessé de s’étendre, même s’ il ne reste aujourd’hui que des bureaux et le centre de redistribution ; l’image du quartier tout entier continue d’être desservie par la présence de ces entrepôts.

L’origine de ce malaise provient du fait, que depuis des siècles, l’industrie de la viande et tous les métiers ayant trait à la tuerie d’animaux sont ostracisés. Ce qui remonte directement au système des castes de l’époque pré-Meiji, et à la ségrégation des Burakumin (部落民), groupe social minoritaire japonais discriminé socialement et économiquement et, qui gérait ces industries (se référer à l’article http://amepon.blogspot.com/2010/02/blog-post.html#links).




















Malgré la suppression des castes à la fin du 19ème siècle, l’abattoir ayant été repris par des descendants de Burakumin, la discrimination n’a donc jamais cessé et perdure encore aujourd’hui dans l’inconscient collectif japonais qui demeure chargé avec des craintes irraisonnées comme la Submersion de leur île, les fantômes, la peur des catastrophes.