L’homogénéité de la société japonaise n’est qu’apparente. Elle continue d’être organisée en castes invisibles et les burakumin (部落民), sont en bas de l’échelle. Le Japon possède son lot de sujets tabous, et celui du sort réservé aux burakumin en est un.

Considérée encore au XIXe siècle comme une minorité d’intouchables, la communauté burakumin ou buraku compte au Japon plus de deux millions de personnes (sur 126 millions d’habitants) réparties dans près de 5 000 localités (notamment à Hokkaido). Ces ghettos sont la conséquence directe du statut officiel de parias qui leur colla à la peau jusqu’à son abolition en 1871, au début de l’ère Meiji qui vit le Japon s’industrialiser à marche forcée.




















Le terme burakumin désignait alors les populations employées principalement dans les abattoirs, les tanneries, les centres d’équarrissage et les morgues. Bref, tous ceux que leur occupation quotidienne amenait à côtoyer des cadavres et du sang, activité jugée impure selon les préceptes du shinto, la religion traditionnelle de l’archipel.

Toute discrimination officielle et légale envers les buraku a disparu depuis longtemps. Les autorités nipponnes affirment à juste titre que cette caste invisible jouit désormais des mêmes droits que les autres citoyens japonais dont elle partage le physique, la langue et la religion.

Mais ce qui est vrai sur le papier ne l’est pas toujours dans les têtes. Avec d’autres, Nadamoto Masahisa milite contre la discrimination sournoise toujours pratiquée par les propriétaires immobiliers ou les entreprises vis-à-vis des burakumin. «Beaucoup de Japonais y regarderont à deux fois avant de louer un appartement à un candidat identifié comme burakumin. « Au nom de vieilles superstitions, ils craignent d’attirer le mauvais sort sur leur maison.»














Dans le Japon d’aujourd’hui, les burakumin souffrent en outre d’une ségrégation sociale. ils ont constitué, dans les années 60-70, le gros de la main d’œuvre journalière dans la construction ou l’industrie. Ils sont aujourd’hui les premiers à payer les conséquences de la crise.


Leur concentration géographique dans certaines régions (comme Kyoto ou Osaka) facilite, en effet, leur identification. Au point d’obliger beaucoup d’entre eux à nier leur origine. Un politicien très influent du parti libéral démocrate au pouvoir, Hiromu Nonaka, a ainsi toujours refusé d’admettre ses liens avec la communauté burakumin.





















Pire, il arrive encore que des familles japonaises bourgeoises fassent, en toute illégalité, vérifier les antécédents de leur futur gendre ou belle-fille «pour éviter de polluer la famille». Elles ont recours à des agences spécialisées de généalogistes qui épluchent les vieux koseki (registres familiaux), dans les archives des préfectures avec, trop souvent, la complicité de l’administration locale.