Ayant été moi-même marié à une japonaise et étant passé par les différentes étapes de la procédure de divorce, je tenais à mettre en garde les plus téméraires d’entre vous qui souhaiterait s’engager dans une relation durable, non pas que cette dernière soit vouée à l’échec (même si 7 mariages franco- japonais sur 10 se terminent par un divorce) mais sur les risques encourrus et les aspects de la loi nippone concernant le divorce.


Beaucoup d'hommes français, séduits par la féminité japonaise, rêvent d'un mariage avec une femme de ce pays qui les fascine. Nombre d’entre eux se retrouvent la bague au doigt sans avoir été mis au courant des différences culturelles ni des spécificités de la loi japonaise concernant le mariage et le divorce.

Aussi exaltante que puisse être cette expérience de mariage interculturel, basée sur des sentiments sincères, il faut bien reconnaître que le mariage se fonde presque inévitablement sur des malentendus.
Car si l’émotion amoureuse peut être commune, les conceptions du mariage, ainsi que les lois qui les régissent, sont très éloignées entre nos deux cultures, et cela ne se découvre, malheureusement, qu’avec le temps et l’expérience…

En France, dans la très grande majorité des cas aujourd’hui, les futurs époux se choisissent
librement et par inclination réciproque.

Ils choisissent d’unir leurs existences dans le but principal (et peut-être idéal) de se rendre
heureux mutuellement. Le couple reste le coeur de la famille et sa bonne entente est garante
de l’unité de celle-ci. Pouvoir passer du temps avec son ou sa partenaire, et avec ses enfants, fait partie des priorités de la vie des français.

Les considérations matérielles, bien qu’importantes pour l’avenir familial, ne sont pas mises au premier plan dans le choix de mariage. La vie de famille est, pour leur plus grand nombre, aussi importante que leur vie professionnelle — quand ce n’est pas davantage.

En cas de séparation et de divorce, la loi française établit un partage de l’autorité parentale et assure un droit de visite régulier au parent qui ne reçoit pas la garde des enfants. La non-représentation d’enfant est sévèrement punie par la loi, et le divorce entre les parents ne signifie pas le divorce d’un des deux parents avec les enfants.

Il en est tout autrement au Japon. Le nombre de mariages arrangés (omiai/お見合い) reste encore élevé. Encore peu de femmes mariées travaillent et le choix d’un mari passe par l’examen du montant de son salaire annuel.
Selon le magazine économique Aera, 80 % des femmes japonaises posent comme condition que l’homme gagne plus de 6 millions de yens par an (soit environ 49 000 €) et 70 % des divorces au Japon ont une cause économique, généralement la perte d’emploi du mari. De son côté, le mari attend avant tout d’une bonne épouse qu’elle s’occupe bien des enfants et de la maison. Le mariage est ainsi conçu plus comme une association pratique, que comme la réunion de deux êtres mués par l’amour.

En cas de séparation ou de divorce, il semblera alors normal que les époux « retournent» dans leurs familles respectives, les enfants étant à la charge de l’une ou l’autre famille mais d’une seule de ces deux familles.


Les ponts sont alors coupés entre l’un des parents et ses enfants, comme il le sera entre les époux : le divorcé devient, en effet, un étranger (tanin/他人) pour son ex-conjoint et pour son ex belle-famille.

Notons que 90% des divorces se font au Japon par consentement mutuel à la mairie, et que, concernant les enfants, le formulaire de divorce à remplir par les époux ne permet d’indiquer, sans autre détail, que l’unique parent qui sera désormais détenteur de l’autorité parentale.

Restent 10% des divorces : environ 9% vont se résoudre en conciliation judiciaire (chotei/調停), et les 1% restants qui ne pourront se mettre d’accord devront avoir recours à l’arbitrage d’un juge (shinpan/審判). L’autorité parentale, unique au Japon, est confiée, ainsi que la garde des enfants, dans plus de 80 % des cas à la mère. Le père ne reçoit en échange que des devoirs, et principalement celui de payer une pension alimentaire (ce dont les pères japonais s’acquittent assez rarement).

Le parent qui n’a pas l’autorité parentale n’a plus aucun droit de regard sur l’éducation des enfants, et ne reçoit que très rarement du tribunal un droit de visite, qui n’existe pas dans la loi japonaise et dont l’application est soumise, après le jugement, et dans les faits, à l’arbitraire du parent détenteur du droit de garde.

Ainsi, il n’est pas rare qu’un des parents (et généralement la mère) prenne l’initiative, avant même que la séparation ne soit décidée, d’enlever brutalement les enfants et de se réfugier dans sa famille en refusant qu’ils aient désormais le moindre contact avec leur autre parent, tout en réclamant une pension.


La loi japonaise ne punit pas l’enlèvement parental et le Japon est le seul pays du G8, avec la Russie, à n’avoir toujours pas signé la convention de La Haye sur les aspects civils des déplacements illicites d’enfants. Le Japon n’applique pas non plus la convention relative aux droits de l’enfant (CRC), dite « convention de New York » qu’il a signée le 22 avril 1994 (déjà 15 ans !).

Pire, c’est le parent qui sera le plus prompt à enlever les enfants qui prendra l’avantage sur le plan juridique pour l’attribution de la garde et de la pension.


A l’intérieur même du Japon, les juges entérinent les enlèvements. Dans l’archipel, 166 000 enfants, selon des chiffres officiels, sont chaque année privés d’un de leurs parents (de leur père, en général).


Toutefois, les parents Japonais comptent bien faire évoluer cette justice et les associations parentales japonaises qui luttent en faveur d’une justice nipponne plus juste et équilibrée pour les deux parents sont maintenant réunies en une « alliance pour des droits parentaux équitables au Japon (AEPJ) », qui effectue un intense travail de lobbying politique et médiatique.

Mais quand le divorce implique un parent non japonais, cela entraîne d’autres problèmes internationaux, qui ne sont encore pas correctement gérables. Le sénateur Richard Yun, représentant les Français établis hors de France, note le retard du Japon en la matière: « Des parents français sont aujourd’hui privés du droit de voir leur enfant car le droit japonais reconnaît très rarement le droit de visite et la non-représentation de l’enfant n’est pas sanctionnée dans ce pays. Ces pratiques sont contraires à la convention internationale des droits de l’enfant, que le Japon a signée en 1994. »

En effet, on compte par centaines les cas d’enlèvements d’enfants binationaux (dont plusieurs dizaines d’enfants franco-japonais) par leur parent japonais, enlèvements qui restent toujours impunis. Ajoutons que, contrairement à la France, les tribunaux japonais ne reconnaissent pas les jugements de divorce prononcés à l’étranger et n’hésitent pas à réattribuer la garde et l’autorité parentale au parent japonais.

La question est assez sérieuse pour mériter qu’on avertisse nos compatriotes : elle concerne l’avenir de tous les enfants francojaponais.

On peut se demander s’il est bien raisonnable de valider des mariages internationaux avec des ressortissants d’un pays qui ne signe pas la Convention de La Haye et qui n’applique pas la Convention relative aux droits de l’enfant qu’il a signée.